Cinéma : « Un Héros »

Le dernier film du réalisateur iranien Asghar Farhadi, Un héros, nous conte l’histoire d’un homme qui est à l’image de son pays, l’Iran. Il n’arrive pas à s’en sortir. Dès qu’il pense que les choses s’améliorent pour lui, en fait elles empirent et l’entraînent dans une spirale infernale. Le film est réaliste et cruel comme l’est la société iranienne envers les gentils, les doux, les faibles.
Rahim n’est pas un héros très discret. Après un acte de probité qui l’honore – alors qu’il était en liberté provisoire – tout le monde se l’arrache, télévisions comme organismes de charité. Même la direction de la prison où il est incarcéré pour dettes, le porte aux nues. Mais les ennuis ne tardent pas à apparaître et à s’accumuler à tel point que le ciel finit bel et bien par lui tomber sur la tête.
Notre héros est bien naïf et il se laisse avoir par tout le monde. Les personnages, bons ou mauvais, sont bien campés par une belle pléiade d’acteurs souvent dans des seconds rôles forts et signifiants. Rahim est interprété par le bel Amir Jadidi qui n’hésite pas à jouer avec brio l’idiot sympathique. Ce tendre loser peut compter sur l’amour inconditionnel de sa nouvelle petite amie, et sur le soutien de sa famille qui fait tout pour l’aider. Son jeune fils, au début indifférent envers ce père dont il est peu fier, ne le lâche plus d’un pouce et père et fils semblent liés à jamais dans l’adversité.
La famille est un socle solide qui offre soutien et bienveillance, ce qui est loin d’être le cas du reste de la communauté. Le point de vue du film montre une société iranienne du soupçon et du sens de l’honneur exacerbé. Rahim, notre brave gars, devient violent lorsqu’il se sent dépassé par les événements, dans un pays où la moindre violence verbale ou physique n’est pas tolérée.
Le réalisateur Asghar Farhadi livre là un film engagé et subtil, une allégorie qui en mêlant habilement implicite et explicite, lui permet d’éviter l’ire du gouvernement iranien. Il base son récit sur des gens simples et ordinaires pris dans un tourbillon sans fin pour dénoncer les travers de l’administration iranienne, arcboutée sur des principes rétrogrades et une suspicion pointilleuse. La société civile n’est guère mieux lotie, soumise à la bien-pensance et au regard des autres. Il y a pourtant de la solidarité et de la tendresse mais le poids du qu’en dira-t-on annihile toute velléité de révolte face à l’injustice.
Il n’y aura pas d’épiphanie pour notre héros qui retourne à la case départ, c’est-à-dire en prison. Le dernier plan du film est de toute beauté avec une porte ouverte sur la lumière et la liberté, pour un autre, quand notre héros retrouve son lot de solitude et d’obscurité.
Source et images : Signis